Joyeux Noël !

 

Qu’est-ce qui nous empêche ?
Nous avions bien pensé à l’image de la jeune femme qui accueille l’enfant lustral
Et voilà que s’impose cette vieille mère auprès de la machine à laver
Le métal émaillé capte désormais toute la blancheur de l’ange
Dans sa bouche en tambour slip et chemise tournent comme des astres mous
O noir sans autre cri que le ronron du moteur
Orbite creuse où se perdent nos yeux
Hublot d’aucune traversée
Sinon celle de la vie de tous les jours
Où maman s’occupe du linge sale du héros

La voici qui s’y appuie comme à un mur lamentable
Dans sa robe bleu nuit
Ses cheveux, avec de la cendre, inventent de la lumière
Ses mains de sarment appellent des grappes invisibles
Son corps se recroqueville – gargouille ? escargot ? feuille à l’automne ? non
Mais à la fois le fœtus et la matrice
Elle porte en son sein la mort qui déjà cogne de ses petits pieds
Et elle forme elle-même le bébé prêt à être expulsé dans le monde au-delà

La voici – notre mère –
Jetée en boule dans un coin comme le tapis qui servit à toutes les hospitalités
La voici contre la machine
Et c’est elle
Soudain si petite, si racornie, si fétide même
Entre la déchéance qui travaille et l’eau de Cologne bon marché
Plus charnelle que jamais, pourtant
C’est elle encore
Qui vient laver nos regards

 

Oeuvre sur la carte de Noël: Margherita e la lavatrice de Letizia Fornasieri, huile sur toile 2010