Programme 2022-2023

ECTS
1
Crédits

Quand ? Jeudi 22 et vendredi 23 février 2024

Où ? Institut Philanthropos

L’épreuve du beau, pour en finir avec l’ésthétique

Fabrice HADJADJ

Diplômé de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris, Agrégé de Philosophie, Directeur de l’Institut Philanthropos

L’expérience du beau est paradoxale. Kant multiplie à ce sujet les énoncés tendus, presque antinomiques : « Est beau ce qui procure un plaisir désintéressé », « ce qui plaît universellement sans concept [c’est-à-dire sans qu’on puisse le démontrer] ». On peut pousser l’ambivalence plus loin en montrant à la fois la force et la fragilité du beau (une musique chérie, longtemps écoutée, finit par causer un étrange dégoût, ou encore une belle femme, qui bouleverse, n’est pourtant pas belle sous tous les angles ni à tous moments, etc.). On doit même reconnaître que la joie que procure une beauté profonde s’accompagne aussi de terreur (Rilke) ou de mélancolie (Baudelaire). Il faut enfin observer, avec Platon, que le beau ici-bas ne se présente jamais que sous la forme d’une épreuve : son appel nous saisit, nous met hors du raisonnable, et nous entraîne soit dans la folie infernale d’une jalouse possession, soit dans la folie divine d’une ascension vers le Bien. Et c’est pourquoi Baudelaire peut interroger cette ambiguïté souveraine en chantant :

Viens-tu du ciel profond ou sors-tu de l’abîme,
Ô Beauté ? Ton regard, infernal et divin,
Verse confusément le bienfait et le crime,
Et l’on peut pour cela te comparer au vin.

 

L’impasse de l’esthétique est qu’elle se fixe sur le jugement de goût, et manque dès le départ une vérité de l’expérience du beau, à savoir que c’est moins nous qui jugeons, que nous qui sommes jugés, destitués de notre position même de sujet dominant un monde d’objets, car voici qu’un objet rayonne, nous bouleverse et vient avec une gloire qui éclipse la nôtre. Aussi ce cours s’éloignera-t-il peu à peu de l’esthétique pour aller vers une métaphysique et une phénoménologie, et même au-delà, vers une dramatique et une hymnologie, car il est plus que probable, comme nous le dit Jean-Louis Chrétien, que notre seul manière d’être devant le beau soit la louange – une parole qui vit de sa propre impossibilité.

Critique littéraire au Figaro et à Art Press, chroniqueur à Transfuge et à Prier, Fabrice Hadjadj a publié des pièces des théâtres et des essais, notamment Réussir sa mort : anti-méthode pour vivre (Ed. Presses de la Renaissance 2005, Grand Prix catholique de littérature), La profondeur des sexes : pour une mystique de la chair (éd. Seuil, 2008) L’Agneau mystique – sur le retable des frères Van Eyck (éd. L’Œuvre, 2008, Prix de l’Académie des Beaux-Arts), Le paradis à la porte : essai sur une joie qui dérange (Ed. Seuil 2011), et Comment parler de Dieu aujourd’hui ? (éd. Salvator).