Bien que le mot « phénoménologie » ait existé dès le 18ème siècle, probablement introduit par J.H. Lambert (1728-1777), il ne fait pas de doute que c’est la pensée d’Edmond Husserl (1859-1938) qui lui a conféré un sens décisivement novateur ; — la « nouveauté », constamment repensée, s’avérant être bien davantage qu’une nouvelle méthode pour philosopher. De « doctrine de l’apparence » chez Lambert, d’exposition historico-conceptuelle de l’apparition de l’esprit à la conscience chez Hegel (1770-1831), la « phénoménologie » signe en effet, avec le maître de Heidegger (1889-1976), une démarche de pensée radicale se proposant rien de moins que de renouveler de fond en comble la pensée philosophique existant jusqu’ici.
Qu’est-ce qui a motivé un tel renouvellement ? À quels problèmes fondamentaux ladite pensée s’est-elle efforcée de répondre ? Et de quelles manières ? Quelles sont ses expériences fondatrices ? De quelles lectures de l’histoire de la pensée occidentale sont-elles solidaires ? Quel est enfin le rapport de la pensée phénoménologique à la question contemporaine : celle du « nihilisme européen » — défini par Nietzsche comme le “processus” de « dévalorisation de toutes les valeurs », lui-même reconnaissable à ceci que, désormais, « les buts font défaut » dans l’existence humaine ?

C’est à ces questions que nous tenterons de répondre, en exposant succinctement les positions philosophiques fondamentales de Husserl, Heidegger et en donnant quelques aperçus à propos de la pensée du premier Lévinas (1906-1995).

Emmanuel Mejía est professeur de didactique de philosophie à l’Université de Fribourg. Il a publié divers articles et édité des ouvrages collectifs, chez Payot Lausanne et Vittorio Klostermann, portant principalement sur les pensées de Hegel et de Heidegger.