Celui qui dit : « Il ne faut pas faire de morale », fait encore de la morale, et la plus mauvaise, car il verse dans un moralisme qui s’ignore. Celui dit : « À chacun sa morale, puisque les mœurs varient selon le temps et les lieux », n’est pas au-delà mais en-deçà de la philosophie morale, puisque celle-ci commence chez les Grecs avec ce constat de la relativité des mœurs, et la question de savoir si certaines d’entre elles n’étaient pas meilleures que d’autres (la notion de nature humaine servant d’horizon à ce discernement).

Au reste, la philosophe morale elle-même ne peut débuter qu’avec sa propre critique : elle pense bien, trop bien, sans doute, alors qu’il s’agit ici surtout non pas seulement de bien penser, mais de bien agir. Ses leçons risquent toujours d’être des dérobades, et les exemples fournis par le professeur, un moyen de ne pas être soi-même exemplaire…

L’enjeu de ce cours sera de distinguer plusieurs conceptions de la morale : hédoniste, utilitariste, rigoriste, vitaliste, et de passer progressivement de la défense des valeurs à la vérité de la vertu, et d’une logistique du calcul à une logique de la responsabilité.

Il conviendra aussi de se demander ce que fait la Révélation à la morale, c’est-à-dire comment la notion de vertu est transformée par l’événement de la grâce, et la primauté de la charité. Avec la Bible, le bien est pensé comme alliance, non plus seulement comme excellence : le déploiement de l’être est ressaisi dans une relation à l’autre.

Bibliographie :

Aristote, Éthique à Nicomaque ; Nietzsche, Par-delà le bien et le mal et Généalogie de la morale ; Kant, Fondements de la métaphysique des mœurs ; Épicure, Lettre à Ménécée ; Peter Singer, Questions d’éthique pratique ; Robert Spaemann, Notions fondamentales de morale ; Servais Pinckaers, Aux sources de la morale chrétienne ; Emmanuel Lévinas, Éthique et infini.